Le danger caché dans votre armoire à pharmacie : le paracétamol
Dans le quotidien des propriétaires d’animaux, l’amour peut parfois être mal orienté. Donner un médicament humain à son chien ou son chat pour "soulager sa douleur" peut entraîner des conséquences dramatiques. Le paracétamol — aussi appelé acétaminophène — en est un exemple frappant. Très utilisé en médecine humaine pour ses propriétés antalgiques et antipyrétiques, il représente un réel danger pour les animaux, en particulier les carnivores domestiques. Pire encore, il peut provoquer des intoxications graves, parfois mortelles, même à faibles doses. Cet article vise à informer, alerter et prévenir un geste souvent bien intentionné, mais potentiellement fatal.
Espèces concernées
Le chat est l’espèce la plus sensible : son foie ne possède pas les enzymes nécessaires à l’élimination sécurisée du paracétamol.
Le chien, bien que moins sensible que le chat, est aussi à risque, surtout en cas d'ingestion accidentelle ou de traitement répété par le propriétaire.
Et chez l'humain, à lire en bas de page.
Circonstances de l’intoxication
Les cas d’intoxication se rencontrent majoritairement dans deux contextes :
- L’automédication volontaire : le propriétaire administre le paracétamol à son animal croyant bien faire.
- L’ingestion accidentelle : le chien, particulièrement curieux, ingère des comprimés laissés à sa portée.
Les intoxications chroniques (plusieurs jours de suite à doses "humaines") sont particulièrement fréquentes chez le chat. Un seul comprimé de 500 mg peut suffire à tuer un chat adulte.
Toxicité et doses létales
Les doses létales varient selon l’espèce :
Chien : DL50 = 200 mg/kg
Chat : DL50 = 50–100 mg/kg, mais des signes cliniques sont parfois observés dès 40 mg/kg
Symptômes de l’intoxication
Les premiers signes apparaissent entre 1 à 4 heures, parfois jusqu’à 24 heures après l’ingestion. Voici un aperçu des manifestations cliniques selon l’espèce :
Chez le chat :
Méthémoglobinisation selon son taux et les symptômes associés.
Premiers signes (3 à 24 h) :
Prostration, dépression
Anorexie, vomissements, hypersalivation
Œdème facial, conjonctival ou des membres
Cyanose buccale (muqueuses grisâtres), tachypnée, tachycardie
Hypothermie (< 35°C) fréquente
Signes tardifs (2 à 7 jours) :
Hépatotoxicité : ictère, élévation des ASAT et ALAT
Signes urinaires : hémoglobinurie, glucosurie, protéinurie
Anémie régénérative, ataxie, convulsions, coma
Chez le chien :
Vomissements fréquents
Dépression
Méthémoglobinisation modérée
Ictère lié à une nécrose hépatique centrolobulaire (élévation des transaminases)
Anémie, hémoglobinurie
Convulsions et hyperthermie possibles lors d’intoxication massive (notamment chez les jeunes chiens)
Traitement d’urgence : chaque minute compte
L’administration rapide d’un antidote est essentielle pour limiter les dégâts. Mais encore faut-il que le propriétaire reconnaisse la gravité de la situation et consulte rapidement. Malheureusement, bon nombre de cas arrivent en clinique trop tardivement.
Et chez l’humain ? Un médicament loin d’être inoffensif
Si le paracétamol est considéré comme sûr chez l’homme à dose thérapeutique, il est également l’un des médicaments les plus impliqués dans les intoxications aiguës.
Le surdosage volontaire ou accidentel (par cumul de plusieurs produits contenant du paracétamol) peut provoquer une hépatite fulminante.
Il s’agit de la première cause de greffe hépatique d’origine médicamenteuse dans plusieurs pays.
Chez l’adulte, la dose toxique est de 10 à 15 g en une prise, soit 20 à 30 comprimés de 500 mg — une quantité malheureusement facilement accessible.
Conclusion : un appel à la vigilance
Le paracétamol, aussi banal soit-il, n’a rien d’inoffensif, ni chez l’animal, ni chez l’humain. Son usage chez les animaux de compagnie doit être strictement proscrit sans avis vétérinaire, et les propriétaires doivent être sensibilisés à sa toxicité aiguë, particulièrement chez le chat.
Le paracétamol est un médicament à manier avec précaution. Il ne doit jamais être administré à un animal sans avis vétérinaire. Et chez l’humain, il mérite plus de respect qu’il n’en reçoit : ce n’est pas parce qu’il est en vente libre qu’il est sans danger.
Moralité : ce qui peut soulager l’un, peut tuer l’autre. Ne médicamentez jamais votre animal avec vos propres traitements. Et gardez toujours vos médicaments hors de leur portée.